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L’assertivité, d’un côté, c’est un truc de bonhomme, qui n’a pas peur de “dire ce qu’il pense” (oui, un gros truc de mâle alpha). Et de l’autre, c’est un moyen d’exprimer ses accords et désaccords, avec justesse, sans empiéter sur le bien-être des autres. Alors qu’est-ce que c’est et comment ça marche ?
Reprenons les bases : la communication
Vous l’aurez sans doute remarqué, nous, êtres humains, sommes des êtres sociaux. C’est-à-dire que nous vivons en groupe, dans des collectifs où des règles sont établies entre tous (les normes sociales). Et pour que le collectif fonctionne, il faut que ces règles soient mises en place et respectées par tous. Pour transmettre et respecter ces règles et vivre en collectivité, nous devons savoir communiquer. Autrement dit, à première vue, échanger des informations.
Pour les psychologues sociaux, et notamment l’école dirigée par Serge Moscovici (1965), la communication n’est pas seulement un échange de mots d’une personne A, à une personne B. Il s’agit aussi, et surtout, d’un échange de significations dans un contexte particulier et un enjeu d’influence. Eh oui ! On parle rarement pour ne rien dire : on veut d’abord que les autres agissent ou réagissent en fonction de ce qu’on leur a énoncé.
Quand quelqu’un vous demande “ Ça va ?” et que vous répondez avec une petite voix étranglée “Ça va …”, le sens des mots est assez clair : en théorie, vous allez bien, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Mais la manière dont vous avez transmis le message laisse à penser qu’en fait … ce n'est pas la fête et que vous n’allez pas si bien. Voire, pas bien du tout (Ne faites pas semblant, on l’a tous fait, d’ailleurs si vous en parliez ?).
5 étapes pour mieux communiquer
#1 S'écouter
D’abord, et avant de commencer n’importe quelle conversation, écouter vos besoins. Qu’avez-vous besoin d’exprimer ? Qu’est-ce qui vous dérange vraiment ? Par exemple : l’un de vos collègues vous a doublé à la machine à café et ça vous met TERRIBLEMENT en colère. Est-ce que vous êtes en colère parce qu’il vous a pris votre place ? Ou parce que ça fait trois fois qu’il vous rend un dossier en retard ? Parfois, les raisons de la colère ne sont pas là où vous les croyez. Et, le meilleur moyen de le comprendre est d’écouter vos émotions.
Les émotions sont des informations. Selon la théorie des émotions primaires de Paul Ekman, la peur, la joie, la colère, la tristesse, le dégoût et la surprise nous permettent de nous adapter en fonction des situations (vous avez vu Vice Versa, de Pixar ?). La joie nous signale qu’un événement est positif et qu’il faut le reproduire et le revivre au maximum. La peur signale un danger ou une menace et nous pousse donc à nous protéger. La colère est une motivation à agir pour rétablir une injustice ou pour résoudre un problème.
Bref, vous l’aurez compris, chacune de ces émotions est importante. Il faut donc apprendre à les reconnaître et à bien les distinguer pour mieux agir et mieux communiquer avec les autres.
En ça, l’assertivité est également un excellent moyen de se reconnecter à ses émotions. Et même à celles des autres.
#2 Basez vos propos sur des faits objectifs
Les faits ne sont pas négociables. Voilà. C’est tout. Si vous avez des besoins, des idées, des remarques à faire, elles doivent toujours s’ancrer dans du tangible et du réel.
Par exemple, il sera toujours plus facile de dire à votre collègue “ça fait trois fois que tu me rends tes dossiers en retard, ça me met moi-même en retard, donc je travaille dans l’urgence et je n’aime pas ça”. Plutôt que “ j’en ai marre ! je suis tout le temps en retard à cause de toi !” Le message est le même. Pourtant, la finalité ne l’est pas.
Dans un cas, vous avez attribué le retard à une action réalisée par la personne (“le fait de rendre un dossier en retard”). Dans le deuxième cas, vous avez attribué le retard à la personne (“je suis tout le temps en retard, à cause de toi”). Or, c’est plus simple, quand on est pris à partie, d’expliquer pourquoi on a mal fait quelque chose, que d’expliquer pourquoi on est une mauvaise personne. Dans ce cas, votre collègue peut vous expliquer pourquoi il était en retard, ce qui a éventuellement dysfonctionné et vous pouvez discuter des moyens de corriger le problème. Si vous lui dites juste que c’est sa faute (encore une fois, même si c’est vrai), il va sans doute se sentir agressé et couper court à la conversation. Du coup, on n’attaque pas la personne, on se base sur DES FAITS !
#3 Écoutez les autres
Et c’est l’un des autres principes de l’assertivité, on respecte les autres et on évite les jugements de valeurs. Peut-être que si votre collègue vous a rendu trois fois ses dossiers en retard, c’est parce qu’il attendait lui-même des informations qui n'arrivaient pas. Ou qu’il avait beaucoup trop de travail. Ou qu’il était en arrêt maladie.
#4 Écoutez vous et la manière dont vous parlez
La manière dont vous faites passer le message est aussi importante que le message lui-même. ÇA NE SERT À RIEN DE CRIER ! Ça ne sert à rien non plus d’être agressif, c’est le pire moyen de susciter l’adhésion de votre interlocuteur (et c’est quand même le but à la base, que la personne en face soit d’accord avec vous …).
#5 Pensez au timing
Souvent, entrer en trombe en plein milieu d’une conversation, couper la parole à tout le monde pour dire ce que vous avez à dire n’est pas le meilleur moyen de vous faire entendre. Même si vous le faites avec une voix douce et des faits objectifs. Choisissez plutôt un moment apaisé et calme pour faire passer votre message.
L’assertivité, qu’est-ce que c’est ?
Photo de Kenny Eliason sur Unsplash
Pour Pfaman (2017), c'est est un moyen d’exprimer ses opinions, ses idées et ses limites d’un ton convaincu, tout en respectant et en prenant en compte les limites, les idées et les opinions des autres. Elle permet d’exprimer aussi bien des informations positives que négatives et prend également en considération les conséquences possibles de ce qui a été dit. Son objectif est d’atteindre ses buts, personnels ou collectifs dans le respect de tous.
Autrement dit, l’assertivité :
Est une technique de communication.
Qui permet d’exprimer ses besoins et/ou ses idées.
Avec conviction.
Sans dévaloriser, dénigrer ou marcher sur les autres.
En prenant en compte les conséquences de ce qui vient d’être dit.
Et qui permet de concrétiser son objectif.
Du point de vue de l’analyse transactionnelle
L’analyse transactionnelle est une théorie de communication, des rapports sociaux et de la personnalité. Elle s’intéresse aux rôles joués par chacun lors des interactions sociales. Cette théorie apporte une vision assez claire et engageante.
Pour ses théoriciens, et notamment Berne (à partir de 1958), elle permet aux deux interlocuteurs d’être OK. Chacun a pu exprimer ses besoins et ils ont été respectés par tous. Attention ! (et c’est subtil), les deux interlocuteurs peuvent se sentir respectés, même s’ils ne sont pas d’accord. Par exemple, on peut adorer les chiens et admettre que certaines personnes aiment les chats (ou inversement).
À l’inverse, il peut y avoir une position de domination si l’un impose ses arguments sur l’autre. Dans ce cas, l’un des interlocuteurs dénigre les propos de l’autre ou ne le respecte tout simplement pas.
Une situation de soumission a lieu lorsque l’un abdique face à l’autre. Il n’y a pas nécessairement de domination. Une personne peut par exemple se soumettre parce qu’elle a envie de faire plaisir à l’autre.
Enfin, lorsque aucun des interlocuteurs n’est satisfait de la situation, on parle de situation d’abandon. Dans ce cas, tout le monde repart fâché. (Ah ben Bravo, hein ! 20 sur 20 !).
Pour l’analyse transactionnelle, l’assertivité est donc la situation parfaite. C’est LE cas de figure où chacun s’est senti écouté et respecté. C’est donc le cas de figure qui permet de créer des relations stables et sécurisantes sur le long terme. Et (on ne le répètera jamais assez), sans forcément que tout le monde soit d’accord.
Est-ce que c’est inné ?
Absolument pas. Voilà. C’est tout.
Ça n’est pas un trait de caractère ou une compétence naturelle qu’une bonne fée donnerait à certains en se penchant sur leur berceau. (Même si, on vous l’accorde, ç'aurait été beaucoup plus facile si tout le monde avait pu l’avoir …).
La manière dont vous communiquez dépend beaucoup de la manière dont on vous l’a appris. Et généralement, vous l’avez acquis en observant votre environnement en grandissant. Ce sont donc vos parents, vos figures d’attachements, vos frères et sœurs, vos amis et votre entourage qui vous ont permis d’apprendre comment communiquer.
Si les adultes autour de vous, vous ont montré comment récupérer la Game Boy, que votre grand frère vient de vous piquer, sans pour autant lui hurler ou lui taper dessus, (enfin … autant que possible), vous avez sans doute grandi dans un contexte sécurisant. Dans ce cas, vous avez sûrement développé des moyens sains de communiquer avec les autres.
À l’inverse, si vous avez grandi dans un environnement peu sécurisant où il était plus facile de hurler ou de pleurer pour obtenir ce que vous vouliez, eh bien … ça sera sans doute un poil plus compliqué.
Mais bonne nouvelle ! Ça s’apprend.
Devenir assertif : la méthode ACCEPT de l'analyse transactionnelle
A comme Accueillir
Il faut écouter l’autre et accueillir ce qu’il a à nous dire.
C comme Comprendre
Ses enjeux, ses problématiques, ses besoins.
C comme Clarifier
On dissipe tout malentendu. Ça serait dommage de ne pas partir sur les mêmes bases.
E comme Exprimer ses regrets
Si vous avez quelque chose à dire, DITES-LE ! Ça n’est pas parce que vous dites non que les gens vous aimeront moins. Ça n’est pas parce que vous exprimez un désaccord que votre avis n’est pas valable. Et si vous n’êtes pas d’accord ou que quelque chose vous dérange, exprimez-le au moment le plus opportun : c’est-à-dire au moment où ça arrive. Après, il sera trop tard.
P comme Proposer une solution
Maintenant que vous avez mis à plat toutes les problématiques avec votre interlocuteur, trouvez une solution qui vous convienne à tous les deux. Il n’y a pas de problème sans solution, comme on dit. Et on vous le rappelle, le but de l’assertivité, c’est aussi d’atteindre son but et ses objectifs. S’il y avait un problème à la base, il faut donc trouver une solution.
T comme Terminer sur une note positive
Voilà, ça ne sert à rien de rester fâché. Si ça se trouve, il est vraiment très sympa votre collègue. Et même si vous n’avez pas particulièrement envie d’en faire un ami, ça ne sert à rien de s’en faire un ennemi.
Pro Tip
Un psychologue sera une des meilleures personnes pour vous aider à mieux communiquer avec les autres. C'est une part importante du cursus de formation de psychologue.
(Vos consultations peuvent potentiellement être prises en charge par votre mutuelle)
Assertivité et bienveillance : la différence
Photo de Clay Banks
La bienveillance est le fait de prendre soin des autres. Globalement, les personnes bienveillantes vont tenir compte des besoins des personnes de leur entourage, s’inquiéter de leur bien-être et agir en fonction (Farh & Cheng, 2000). La bienveillance n’est pas, en soi, une technique de communication. C’est plutôt une qualité ou un trait de personnalité. Elle permet de nouer des relations durables, notamment parce qu’elle favorise la gratitude entre les individus. Or, cette émotion sociale est clé dans la pérennisation d’une relation. Pour résumer, vous êtes bienveillant avec quelqu’un, la personne l’a perçu, elle ressent de la gratitude, décide d’être bienveillante avec vous, vous ressentez de la gratitude envers elle, et ainsi de suite.
Mais la bienveillance, même si c’est un moyen de nouer des relations durables, n’est pas l’assertivité. L’assertivité est une technique de communication basée sur les faits et le respect mutuel. À l’inverse, quelqu’un peut être tout à fait bienveillant envers les autres et ne jamais être assertif. Dans ce cas, la personne pourrait être incapable d’exprimer le moindre désaccord, par exemple.
Pour résumer, être assertif n’empêche pas d’être bienveillant. Et la bienveillance n’empêche pas d'être assertif. Ce sont deux choses distinctes.
Andrew Tate : assertif ou autoritaire ?
Andrew Tate est un ancien champion de Kick Boxing. Aujourd’hui, il prodigue de nombreux conseils sur les réseaux sociaux pour devenir un “mâle alpha”. Et apparemment, se mettre en scène avec de gros cigares et des voitures de luxe, ça marche. L’influenceur cumule plus de 7 millions de followers sur Twitter. Mais il a été définitivement banni de Facebook et Instagram (où il avait pourtant plus de 4 millions de followers) pour incitation à la haine.
Andrew Tate n’est pas assertif, il est autoritaire. C’est-à-dire qu’il cherche à inspirer la crainte ou l’admiration et à soumettre les autres à son contrôle, notamment par la rigueur et des comportements dirigistes. En bref, Andrew Tate n’est pas dans une relation OK - OK. Il est dans une relation OK - Pas OK. Il impose ses décisions (notamment par la violence).
Dans sa vision du monde, les femmes appartiennent à leur mari et il est légitime de les frapper si elles trompent leur conjoint et les victimes d’agression sexuelles sont responsables de la violence qu’elles ont subie. Autrement dit, on part clairement sur une vision masculiniste de la séduction, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de “roi de la masculinité toxique”.
Par ailleurs, et à toutes fins utiles, Andrew Tate est aujourd’hui assigné à résidence pour trafic d’être humains et proxénétisme. On met ça là, après, vous en faites ce que vous voulez.
Pro Tip @AndrewTate
Les femmes (et les hommes d’ailleurs) n’aiment pas être traitées comme des objets.
Alors, faut-il être assertif pour plaire ?
Photo de Gabriela Palai
Si votre version des choses consiste à imposer vos opinions et à exiger des autres, et surtout des femmes, qu’elles agissent comme vous l’avez décidé, la réponse est non.
À l’inverse, si votre vision de l’assertivité consiste à établir des relations sociales basées sur un échange sain, le respect mutuel et l’écoute, alors oui.
En étant à l’écoute de vos émotions, de celles de votre interlocutrice (ou interlocuteur), en étant compréhensif et en étant capable d’exprimer un désaccord sans paraître violent, oui, c'est est un bon moyen de plaire.