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Le corps humain est une machine particulièrement sophistiquée dont il faut prendre soin. Avoir mal à la tête, un peu de tension, mal au ventre, ça arrive. Souvent, c’est bénin. Dans certains cas, ça peut être grave.
Mais à quel moment considère-t-on que c’est sain de s’inquiéter de sa santé, et à quel moment cela devient-il un trouble pathologique ? En bref, à partir de quand considère-t-on que quelqu’un est hypocondriaque ? Et comment soigner cette pathologie qui n’est pas qu’une maladie imaginaire mais un trouble mental et physique réel ?
Être hypocondriaque, qu’est-ce que c’est ?
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Définition : hypocondrie
L'hypocondrie est une anxiété ou une peur démesurée liée aux manifestations du corps.
Que ce soit un bouton, une palpitation cardiaque ou un mal de ventre, les hypocondriaques vont s’inquiéter de manière excessive, notamment en basant leurs interprétations sur des sensations réelles, mais pourtant normales, du corps. L’anxiété qui en découle, par contre, est vraiment handicapante, notamment sur la vie quotidienne ou les relations sociales.
On estime qu’entre 1% et 5% de la population mondiale souffre d'hypocondrie. Cette pathologie touche aussi bien les hommes que les femmes. Elle se manifeste principalement à l’âge adulte, bien que des cas d'adolescents puissent être observés.
Quels sont les symptômes de l’hypocondrie ?
L’hypocondrie se manifeste par plusieurs comportements, comme :
👉 Une obsession de tomber gravement malade ou de l’être déjà
Les pensées de l’hypocondriaque reviennent constamment sur la maladie. Et il a du mal à se rassurer sur le fait qu’il ne soit pas malade.
👉 L’observation compulsive du corps et de ses manifestations
C’est-à-dire, le fait d’observer son corps en permanence, sans pouvoir s’en empêcher. Une douleur dans la poitrine, et hop! L’esprit est focus dessus. On ne peut pas s’en empêcher.
👉 La consultation régulière de médecins
Le besoin de réduire l’anxiété par la consultation régulière de médecins. Mais souvent, comme le diagnostic est bénin, les hypocondriaques vont chercher un autre avis médical auprès d’autres spécialistes pour confirmer l’idée qu’ils se faisaient de leur maladie. Ils peuvent également multiplier les examens médicaux.
👉 L'inscription dans le temps
Le fait que l’obsession autour de la maladie dure depuis plus de 6 mois. Oui, si vous avez un énorme bouton qui vous pousse dans le dos du jour au lendemain, c’est normal que cela vous inquiète. Ce qui l’est moins, c’est que vous vous inquiétiez un jour de ne pas avoir faim, la semaine d’après, d’avoir trop mal à la tête, puis d’avoir une pulsation cardiaque trop élevée, etc. C’est le fait que ça dure dans le temps et de s’inquiéter de manifestations du corps différentes qui est pathologique.
Les manifestations somatiques : quand l’hypocondrie engendre des maladies
Photo de cottonbro studio
Pathologie mentale et physique à la fois
L’hypocondrie est un trouble somatoforme.
C’est-à-dire que c’est une pathologie qui touche à la fois la santé mentale et physique. Contrairement à une idée reçue, le corps et l’esprit ne sont pas deux mécaniques totalement dissociées. Au contraire. L’un influence l’autre et vice versa. Cette interaction est à la base de nombreuses démarches en psychothérapie.
Beaucoup de marathoniens vous diront qu’ils ont “tenu au mental”. Il y a bien une influence du mental sur le physique. Et malheureusement, parfois, il peut être pathologique.
Fonctionnement de l'hypocondrie
Les troubles hypocondriaques sont associés aux troubles anxieux. Or, les troubles anxieux sont basés sur un mécanisme de survie : la peur.
Ces peurs, lorsqu'elles deviennent chroniques, peuvent nécessiter la consultation d’un psychologue, ou d'un psychiatre pour un traitement approprié.
Avant, quand nous n’étions encore que des Homo sapiens, il fallait un mécanisme très efficace pour répondre aux dangers environnants (comme les animaux sauvages, les tribus rivales ou les manifestations climatiques soudaines). Et en ça, la peur est particulièrement efficace. La peur déclenche tout un tas de réactions physiologiques qui vont préparer le corps à fuir ou à se battre.
La première réaction est de mobiliser tous les muscles et les fonctions mobiles dans la fuite ou le combat. Il y a donc une montée d’adrénaline. Le rythme cardiaque s’accélère et la pression artérielle augmente pour que le sang apporte l’oxygène nécessaire aux muscles afin qu’ils réagissent. Les pupilles se dilatent pour observer au mieux l’environnement. La sudation aussi augmente et les poumons fonctionnent à bloc pour faire respirer tout ce petit monde.
Mais à l’inverse, la peur a une deuxième réaction de mise au repos des organes qui ne sont pas utiles. Le système immunitaire et le système gastro-intestinal sont mis au repos (ou évacués très rapidement lors de crises d’angoisses).
Une fois que le danger est passé, l’organisme retrouve son équilibre et tout rentre dans l’ordre. En fonction des individus, on a faim, froid, une grosse fatigue ou les trois. Et tout rentre dans l’ordre.
Or, si la peur est un mécanisme lié à un contexte et à un événement particulier, l’anxiété, elle, ne se focalise sur rien de précis. Elle est latente. Mais elle peut créer les mêmes réactions physiologiques que la peur sur le long terme.
Dans les cas les plus graves, l’anxiété produite par l’hypocondrie peut donc engendrer divers troubles physiques comme des douleurs chroniques, des troubles digestifs ou même des affections cardiaques.
En ça, l’hypocondrie est un véritable cercle vicieux. Le patient stresse parce qu’il observe des manifestations bénignes sur son corps. Son corps subit le stress. Il finit par en souffrir. Ce qui alimente l’hypocondrie et, donc, le stress. Et ainsi de suite. Pour briser ce cycle, la consultation d'un spécialiste en santé mentale comme un psychologue est souvent nécessaire.
L’hypocondrie n’est donc pas une pathologie à prendre à la légère.
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Photo de Ahmed akacha
Un attachement insécure
L’hypocondrie peut survenir suite à un attachement insécure pendant l’enfance ou à des traumatismes.
La théorie de l’attachement, développée par Bowlby et Ainsworth, propose que la façon dont les parents sécurisent leurs enfants a une influence sur leurs futurs comportements. Dans le cas de l’hypocondrie, il est intéressant de creuser si les parents de l’hypocondriaque ne s’occupaient de lui uniquement que lorsqu’il était malade. Dans ce cas, la personne aurait appris dès son plus jeune âge que le fait d’être malade était le meilleur moyen d’avoir de l’attention et de l’affection des autres et reproduirait ce schéma à l’âge adulte. Un psychologue peut aider à identifier et traiter ces comportements.
Un traumatisme
L’hypocondrie peut également survenir suite à un traumatisme. Si par exemple, un parent ou un proche est mort subitement à la suite d’une maladie diagnostiquée trop tard, le choc lié à cette mort soudaine peut créer un traumatisme. Notamment si l’événement traumatique s’est passé lorsque la personne était jeune. Dans ce cas, l’hypocondrie aurait surtout pour objectif d’éviter un diagnostic erroné ou tardif.
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Changer votre perspective
Non, l’hypocondrie n’est pas une maladie imaginaire, il est important d'insister sur ce point. Ce n'est pas un choix d'être hypocondriaque. À partir du moment où vous en êtes persuadé la vision que vous avez du proche en question devrait changer. Il/Elle est réellement malade - Et en souffre.
Les étapes à mettre en place sont alors logiques et prennent tout leur sens.
3 étapes à suivre si un de vos proches est hypocondriaque
#1 Écouter et croire la personne
La première chose à faire si l’un de vos proches ou votre compagne est hypocondriaque, est d’écouter. À quoi ça ressemble vraiment ? À quel moment l’hypocondrie s’est-elle manifestée ? Dans quel contexte est-ce que l’hypocondrie est la plus présente ? Et évidemment, orientez votre proche vers un médecin ou un psychologue si vous avez l’impression qu’elle en a le besoin. De plus, consulter un psychiatre peut être nécessaire si les symptômes sont sévères.
#2 Rappelez-vous que l’hypocondrie est une pathologie
Mais ça n’est pas la personne. La personne que vous connaissez souffre d’une pathologie très envahissante qui l’empêche souvent d’être qui elle voudrait vraiment être. Dissociez bien les deux.
#3 N’essayez pas de lui prouver qu’elle a tort
Ça ne sert à rien de lui démontrer par A+B que son angoisse est absurde. Même les médecins n’y arrivent pas. À l’inverse, faites particulièrement attention à votre communication et détournez son attention, aidez là à revenir dans l’instant présent, notamment par la méditation de pleine conscience.
Les traitements contre l'hypocondrie
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Traitement par la thérapie
La bonne nouvelle est que l’hypocondrie se soigne.
C’est une pathologie certes envahissante, mais pour laquelle il existe de très bons traitements.
Le premier est la thérapie, pour laquelle on a de très bons résultats en thérapie.
Un psychologue peut vous aider à réduire l’angoisse lorsqu’elle arrive, à mieux comprendre d’où elle vient et à traiter le problème à la source.
Plusieurs types de thérapies peuvent vous aider à réduire l’hypocondrie, comme les thérapies comportementales et cognitives (TCC), l'EMDR, et même des approches systémiques. Ces thérapies sont souvent menées par des psychologues spécialisés.
Les Thérapies émotionnelles, Cognitivo-Comportementales (TCC)
Elles vont vous accompagner pour comprendre quand survient l’anxiété liée à l’hypocondrie et vous apprendre à la réduire au fur et à mesure. Par ailleurs, un travail de fond pourra également être effectué pour trouver la source de cette pathologie et mieux l’appréhender. Le psychologue peut travailler sur les pensées irrationnelles et les comportements obsédants.
L'EMDR
C'est une technique de thérapie basée sur des stimulations bilatérales alternées. Autrement dit, le patient suit du regard des stimulations de droite à gauche (un pendule ou le doigt du psychologue). Les stimulations peuvent aussi être des tapotements légers, que le patient se fait lui-même, sur une jambe, puis l’autre, ou sur les épaules.
Cette technique s’est avérée très efficace pour gérer des traumatismes. Or, si votre hypocondrie est liée au décès soudain d’un proche, cela peut être un excellent moyen de revenir sur cet évènement.
Les traitements médicamenteux
Quand l’anxiété est trop difficile à gérer, un psychiatre peut prescrire des anxiolytiques dans les périodes les plus difficiles. Ces médicaments peuvent être utilisés à court terme pour soulager les symptômes d'anxiété aiguë, mais ils ne sont généralement pas recommandés pour un usage à long terme en raison du risque de dépendance.
Les antidépresseurs qui sont souvent utilisés pour traiter les troubles anxieux et dépressifs, peuvent parfois aussi aider à réduire l'anxiété liée à l'hypocondrie.
Dans tous les cas ne faites pas d'automédication, consultez un psychiatre, il est le seul habilité à prescrire des médicaments et saura vous donner les bons, au bon moment.
En attendant les traitements, comment gérer ?
Photo de Andrew George sur Unsplash
Attention au biais de confirmation d’hypothèse
Oui, trouver des informations sur internet, c’est particulièrement pratique. Mais notre cerveau adore avoir raison. Et quoi de mieux pour avoir toujours raison que le biais de confirmation d’hypothèse ?
Le fonctionnement est simple : déjà, il faut ne garder que les informations qui vont dans le sens de votre hypothèse (c’est l’exposition sélective) :
Exemple : les poils incarnés sont souvent bénins, mais dans de rares cas, ils vont s’infecter.
Devient : Les poils incarnés (...) vont s’infecter.
Ensuite, le biais de confirmation d’hypothèse fonctionne mieux lorsque les informations qui ne correspondent pas à l’hypothèse sont dénigrés.
Par exemple (fictif) : “Source le Monde : les poils incarnés sont souvent bénins, mais dans de rares cas, ils vont s’infecter.”
Devient : “oui, mais le Monde, ça n’est pas un journal médical, qu’est-ce qu’ils en savent ?”
Quand vous faites des recherches sur le web, vous posez-vous cette question : est-ce que je cherche une information objective, ou est-ce que je cherche à confirmer ce que je crois ?
Instant présent et activité physique
#1 Revenir dans l’instant présent
Quand vous sentez que l’angoisse monte, revenez dans l’instant présent. Concentrez-vous sur la pièce dans laquelle vous êtes, sur les personnes avec qui vous êtes, sur ce que vous entendez, voyez, sentez, ou pouvez toucher.
La méditation de pleine conscience ou la sophrologie sont des techniques très efficaces pour aider à gérer une angoisse.
#2 Se remettre au sport
Et si vous appréhendiez votre corps d’une autre manière ? Non pas comme un corps potentiellement malade, mais plutôt comme un corps sain et capable de vous emmener loin ?
Le sport permet de se défouler (et donc de gérer l’anxiété), mais aussi de ressentir son corps autrement. Pas la peine de commencer par un marathon. Une petite marche pour lutter contre l'hypocondrie, ça vous dit ?
Conclusion
Photo de Pixabay
Gérer l'hypocondrie est un processus complexe nécessitant une approche multidimensionnelle, combinant interventions psychologiques, médicamenteuses et techniques de gestion du stress.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et l'EMDR sont particulièrement efficaces pour aider les patients à modifier leurs pensées irrationnelles et à accepter leurs inquiétudes sans les laisser dominer leur vie.
Les antidépresseurs peuvent réduire les symptômes d'anxiété et de dépression associés à l'hypocondrie. Les anxiolytiques peuvent être utilisés à court terme pour traiter l'anxiété aiguë.
Comprendre la nature du trouble à travers la psychoéducation est essentiel, tout comme l'adoption de techniques de gestion du stress telles que la relaxation, la méditation de pleine conscience et l'exercice régulier. Une collaboration étroite avec un professionnel de la santé mentale est cruciale pour obtenir un diagnostic précis et élaborer un plan de traitement personnalisé, favorisant une gestion efficace et durable de l'hypocondrie.